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Couture : les emmanchures, angles et le bras
- Donatella Pavolini
- 18 novembre 2021
Lorsqu’on débute dans la couture, créer des manches dignes de ce nom peut être un vrai casse-tête. Dans ce nouvel article, je vous dit tout sur comment réfléchir et confectionner une manche.
Donatella Pavolini
PDG France et Styliste
Temps de lecture : 2 minutes
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Temps de lecture : 5 minutes
Introduction à la couture d’une manche
Nous voici donc du côté du bras. Imaginez le tronc cylindrique associé à ce bras cylindrique recouvert d’un tissu et cousu au niveau des épaules afin qu’il reste en place.
Pour tenir compte de la présence du bras, nous allons pratiquer un trou sur le côté de ce cylindre. Ce trou s’appelle l’emmanchure.
L’emmanchure… sous toutes les coutures !
Dans un vêtement bien pensé – c’est-à-dire un vêtement dans lequel on a pris en compte plusieurs paramètres : beauté, élégance, style, confort, fonction – l’emmanchure est plus importante que la manche.
Peu importe que le vêtement ait ou non des manches, l’emmanchure doit donc sans faute être irréprochable.
Une emmanchure irréprochable (évidemment sous toutes les coutures) est :
- Aussi serrée que possible tout en permettant le libre mouvement du bras.
- Aussi près que possible du corps. Une emmanchure lâche se déplace avec la manche pendant qu’elle bouge ce qui n’est pas souhaité.
- Tout ce qui va autour est à parfaire. C’est le travail de la couturière, et les visiteuses de ce site n’en sont pas forcément une. Ces parties plus techniques seront écrites en italique. Pour les curieuses – et les couturières, donc – il y a quatre parties qui peuvent être améliorées afin de s’approcher de la morphologie de la personne à habiller. Ces quatre parties sont à regarder chronologiquement pour bien faire.
Les étapes de confection d’une emmanchure
Du côté de la couturière (celle qui pour de vrai sera sous toutes les coutures), donc :
A. On regarde d’abord la couture de l’épaule. La pente des épaules dans les vêtements (et dans les patrons) en prêt-à-porter est standardisée, et donc rarement parfaitement adaptée à la morphologie de chacune et de chacun. Pour corriger cette partie, on peut rattraper cette différence en élargissant ou étrécissant la couture au niveau de l’épaule.
B. La partie qui donne les résultats les plus importants est celle qui se trouve sur le devant. C’est ici que l’emmanchure s’ouvre le plus facilement pour une femme, car la poitrine pousse le tissu vers l’avant et l’extérieur[1]. Pour corriger ceci, il suffit de mettre une pince. Plus il y a de poitrine, plus la pince sera profonde.
C. Ensuite il y a le côté du dos. Pour un dos un peu bombé (des omoplates saillants), l’emmanchure peut s’ouvrir comme devant, même si en moindre mesure. Dans ce cas, il faudra faire une petite pince également, mais en général on n’en a pas besoin. Je n’ai pas refait le dessin, puisqu’il est en tout semblable à celui pour le devant, poitrine mise à part (et remplacée par les omoplates)
D. Pour finir il y a le bas (couture latérale du vêtement). Si l’emmanchure pend encore trop vers le bas, il faudra régler ce problème avec une autre pince.
Et maintenant pour tout le monde (si je ne vous ai pas perdues en route !)
Si vous m’avez suivie jusqu’ici, vous avez compris que ce premier point n’est pas gagné d’avance. Si vos emmanchures sont parfaitement adaptées à votre morphologie, eh bien : vous en avez de la chance !
Passons à la suite de notre leçon de couture.
Ce premier point étant réglé, nous voilà prêtes pour entamer le suivant. Ce deuxième point, je le trouve vraiment passionnant, et il est éclairant de plusieurs points de vue, dont la fonction, l’utilisation que vous voulez faire de tel ou tel vêtement.
L’angle du manchon… sous toutes les coutures !
À droite vous avez le dessin d’une manche. Elle est composé de la tête de manche (la partie avec une forme en « montagne ») et de la partie qui se trouve en dessous, la manche à proprement parler. Notez qu’il y a une partie correspondante au « devant » de la personne, et une partie correspondante à son « dos », puisqu’on n’est pas parfaitement symétriques devant et derrière et que ceci se répercute aussi bien dans l’emmanchure que dans la manche.
Un peu de vocabulaire…
Je nomme :
- h = hauteur de la tête de manche ;
- l = largeur de la tête de manche (on la trouve en additionnant la largeur du devant de la tête de manche (ldv) et la largeur du dos de la tête de manche (lds)) ;
- L = longueur de la manche
Le matos, quoi !… sans oublier crayon, ciseaux et scotch, bien sûr.
La petite caisse de fraises que vous voyez ici à gauche représente le côté du corsage d’un vêtement. Le trou ovale est une emmanchure. J’ai tracé une ligne verticale qui passe par le centre de cette emmanchure, figurant le passage entre le « devant » et le « dos » de la caisse de fraises, autrement dit figurant la « couture » des épaules et la « couture » des côtés.
Je vais faire trois manches et les mettre dans cette emmanchure.
Pour simuler les manches, j’utilise des feuilles de papier millimétré[2].
Je vais enrouler trois feuilles pour simuler trois manches orientées différemment par rapport au corps (à la caisse de fraises, donc). Je ferai en sorte qu’à chaque fois la circonférence du cylindre (la manche) s’adapte à l’emmanchure, rentre « pile poil » dedans, si vous me permettez cette expression. A chaque fois, je trace une ligne pour indiquer où le « haut de la manche » rencontre la couture de l’épaule, et où ce même « haut de manche » [3] rencontre la couture des côtés. Je trace aussi à chaque fois le tour de l’emmanchure sur la manche.
Fabrication de trois manches
Ma première manche est une manche horizontale. Parmi les vêtements dont les manches sont à l’horizontale il y a les kimonos, les caftans, les vêtements à manches dolman[4] et certains T-shirts à coupe décontractée. Les T-shirts ont d’ailleurs ce nom à cause de cette orientation : regardez comment la « branche » du T rencontre son « tronc »: une « horizontale » qui rencontre une « verticale ». Dans la photo de droite vous voyez le tour de l’emmanchure tracé sur la manche.
La deuxième manche est légèrement inclinée. Parmi les vêtements qui ont des manches comme celles-ci on trouve la plupart des vêtements usuels comme chemisiers et chemises, et en particulier beaucoup de vêtements à manches courtes.
La troisième manche est insérée dans l’emmanchure avec une inclinaison beaucoup plus prononcée. Parmi les vêtements avec ce genre de manches on trouve les vestes et les manteaux, et certains autres vêtements à manches longues, dans lesquels les bras du porteur ne sont pas censés bouger beaucoup. J’ai rajouté un bout de scotch pour maintenir la manche en place parce que la force de gravité couplée avec son barycentre faisaient qu’elle tombait lamentablement sur le plan de travail de ma cuisine. Ce n’est pas de la triche, donc.
Voici ces trois manches, avec leurs différents angles d’ensemble. Notez qu’il s’agit de la même emmanchure (le même « trou ») dans laquelle ils sont tous fixés.
La manche... sous toutes les coutures !
Si on sort les trois « manches » de l’ « emmanchure », qu’on les met côte à côte et qu’on les regarde de près, voici maintenant ce qu’on voit.
Eh oui , la largeur (circonférence) du cylindre (de la manche, donc) s’est adaptée pour compenser cette différence d’inclinaison. Les trois « manches » ont des diamètres différents, elles vont donc avoir des largeurs différentes.
Je découpe maintenant le long de la ligne formée par l’ « emmanchure » que j’ai tracée sur la « manche ». Ah bah, dis donc : les trois manches ont aussi des longueurs différentes !
Je découpe chaque manche le long de la « couture » sous le bras. La circonférence est devenue la « largeur de la tête de manche ». Et les trois têtes de manche ont bien des largeurs différentes.
On peut voir les différences dans les largeurs, dans les longueurs et dans la forme des têtes de manche.
Ce qu’on découvre : Plus l’inclinaison vers le bas est grande, plus la tête de manche est étroite et haute.
Conséquences :
- Selon le type de vêtement, la manche peut former un angle différent avec le reste du vêtement. Souvent, plus le vêtement est décontracté, plus les bras doivent pouvoir bouger, et donc plus les manches seront ajustées horizontalement.
- Plus la manche est inclinée, plus la tête de manche est étroite. Par conséquent, une manche plus verticale est également moins confortable.
- Cela signifie que l’on peut choisir , pour une même emmanchure, l’angle de la manche en fonction de la fonction du vêtement. Pour un enseignant ou un présentateur qui doit écrire sur des tableaux en hauteur), on va vraisemblablement choisir une manche plus horizontale.
- On peut également choisir , pour une même emmanchure, l’angle de la manche en fonction de la morphologie.
Voilà pourquoi je regarde toujours attentivement les manches dans les vêtements : moi, je cherche avant tout le confort, je vous l’ai dit. Si je sens que je ne vais pas pouvoir bouger librement mes bras, je me sens comme prisonnière. Vous savez maintenant qu’il faut regarder la tête de manche : si elle est haute, on va être plus à l’étroit que si elle l’est moins. A vous de choisir !
Relation entre manche et bras
C’est une évidence, mais je l’écris quand même : la manche est cousue dans l’emmanchure.
Ceci étant dit, la relation entre le haut de la manche en forme de montagne (oui, je sais, on a vu qu’il s’appelle « tête de manche ») et le bras dans lequel il s’insère est une relation très spéciale.
C’est une évidence, mais je l’écris quand même : la manche est cousue dans l’emmanchure.
Ceci étant dit, la relation entre le haut de la manche en forme de montagne (oui, je sais, on a vu qu’il s’appelle « tête de manche ») et le bras dans lequel il s’insère est une relation très spéciale.
Quelques remarques sur cette relation
Première remarque : La longueur de la tête de manche (la distance incurvée) = la circonférence du bras. Cela semble évident, mais apparemment ce n’est pas clair pour tout le monde : n’avez-vous jamais observé ces coutures qui s’efforcent de réunir une emmanchure et une tête de manche trop large ou trop étroite, ce qui entraîne forcément des fronces hideuses sur l’épaule ou sur la manche ?
Deuxième remarque : Les courbes de la tête de manche et du bras sont en fait liées ! La forme de la tête de manche correspond à la forme du bras(ces points bleus et rouges) de chaque côté de la ligne centrale de la manche correspondent à ceux des bras.
Les courbes de la tête de manche et du bras sont en fait liées !
La forme de la tête de manche correspond à la forme du bras(ces points bleus et rouges) de chaque côté de la ligne centrale de la manche correspondent à ceux des bras.
Tant que la longueur incurvée de la tête de manche est constante (pour qu’elle épouse l’emmanchure), on est libre de changer la forme de cette courbe. On peut la rendre plus plate ou plus pointue, plus courbée à différents endroits que d’autres pour aider la tête de manche à mieux s’adapter à l’épaule et au bras. Figurez-vous que rien n’empêche la couturière de décider même d’ouvrir la manche ailleurs qu’au niveau de la couture du côté ! Mais là, je deviens trop technique, je n’arrive même pas moi-même à me suivre !
J’en ai fini avec cette partie, et je vous remercie de m’avoir suivie jusqu’ici.
J’avoue. J’ai pris un raccourci de taille : je n’ai pas du tout parlé des manches Raglan, celles de ce blouson, qui sont vraiment une manière à part de penser une manche. Mais je suis partante pour vous en parler, si vous insistez…
Si, comme moi, vous trouvez ce genre de sujets intéressants voire passionnants, n’hésitez surtout pas à me le faire savoir, c’est très important pour moi. Si c’est le cas, eh bien rendez-vous est pris pour un prochain article !
[1] On identifie ce « problème » pour les femmes puisqu’il n’existe pas pour les enfants pour lesquels l’emmanchure ne s’ouvre pas de cette façon
[2] le seul papier que j’ai trouvé à la maison (des cargaisons, preuve que d’une part les profs demandent d’en avoir mais ne l’utilisent pas trop et que quand on ne range pas on en rachète tous les ans, et quand on a beaucoup d’enfants on se retrouve avec des cargaisons de papier millimétré qui n’a pas servi et qui ne servira pas !)
[3] On verra qu’il s’agit de la partie appelée « tête de manche »
[4] Il s’agit d’une manche droite et taillée à même le corsage. Il n’y a pas de coutures à l’épaule qui attachent la manche au corps du vêtement. La partie large est un peu plus basse que l’aisselle. On la confond souvent avec la manche chauve-souris qui, elle, est très large à l’emmanchure.
